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Naissance de la charte

En 2003 apparaissent les premiers contrats de commande photographique qui contournent habilement la notion de droits d’auteur sans nier frontalement leur existence.
La cession complète des droits de reproduction y est demandée pour toujours (en langage contractuel, cela donne « pour la durée légale des droits d’auteur », soit jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur) mais tout risque juridique résultant de l’utilisation mal venue d’une image (principalement par le recours d’un tiers mécontent…) est maintenu à la charge du photographe, créateur de l’image en cause.
Ces contrats se propagent à la vitesse de la lumière dans ces années-là, et entraînent la résorption gratuite et sans contrepartie  (par la mise en concurrence hors respect du Code de Propriété Intellectuelle) du Droit d’Auteur et son assimilation contrainte au principe étranger du Copyright, transférant de fait l’usage et la propriété de la photographie au commanditaire comblé en l’absence supplémentaire et contractualisée de tout problème lié à l’utilisation des images.

Dans ce nouveau contexte, le travail en commande de reportage photographique tend à devenir précaire, risqué et dévalorisé. Le statut même d’auteur photographe, basé sur les ressources obtenues en droits de reproduction et proportionnelles à l’ampleur des utilisations,  est directement menacé dans son principe. Suivant ce courant qui risque de devenir dominant, tant le rapport de forces semble joué d’avance, le photographe sera vite assimilé à un travailleur indépendant sans autre dédommagement que le paiement lié à la réalisation des photographies. 
A lui de s’assurer en plus sur les risques induits par la livraison élargie de toutes ses images…

Dans le même temps, deux autres faits prennent de l’ampleur et apportent d’autres nuages sur la profession d’auteur photographe.

L’irruption et le développement rapides des photothèques « à un euro » sur Internet modifient durablement la donne en recherche iconographique. Sur de nombreux sites, on peut désormais acheter des images interchangeables à des prix irréalistes ( de 1 à 10 euro pièce) suivant le poids en octets de la photographie. Cette offensive forte (la rentabilité de ce type d’entreprise ne peut être atteinte que sur un volume de ventes très élevé) entraîne dans son sillage la diffusion d’une idée terriblement simple: la photographie peut s’acheter à un prix bas pour des usages multiples. Ainsi, la dévalorisation du métier amorçée par les contrats abusifs en commande s’accompagne d’une dévalorisation monétaire de l’image elle-même.

Enfin, la vague numérique s’empare du grand public. Depuis 2005, la vente des appareils photographiques numériques est en constante augmentation. Chacun a cru alors devenir photographe, reléguant dans le passé tous les problèmes techniques (d’éclairage, de développement…) dont la résolution semblait jusque-là qualifier les professionnels…
A peu de frais, avec un minimum d’attention, la représentation du réel, captée par ces nouveaux appareils, paraît brusquement suffisante pour de nombreuses applications photographiques réservées jusqu’alors à des experts aguerris.

La conjonction de ces phénomènes a joué considérablement sur des pans entiers de la profession de  photographe (en événementiel, en illustration, en catalogue…) depuis 2005 jusqu’à nos jours.

Paradoxalement, c’est sans doute ce nouvel accès élargi à la pratique photographique qui induit les premiers signes d’une prise de conscience. La pédagogie liée à la lecture de l’image, au sens de la photographie comme moyen d’expression, s’est répandue comme jamais au travers des revues photographiques de plus en plus nombreuses, et des forums de discussion sur Internet. L’expertise s’est affinée sur le sens des images. Chacun se rend compte dans sa pratique et ses lectures, que l’image photographique n’est pas juste la transmission cadrée d’un réel à travers un appareil de reproduction, mais bien plus le fruit délicat d’une expérience et d’une intuition. Ce nouveau message est arrivé par ricochet  jusque dans les entreprises et les institutions, dont les directions étaient quelquefois désemparées devant le peu d’intérêt manifesté pour leurs brillants outils de communication utilisant des photographies bradées. C’est l’amorce d’une tendance contraire à l’appauvrissement généralisé du contenu de l’image et de la profession de photographe.

Au-delà de la sphère acquise des photographes inquiets sur l’avenir de leur métier, de plus en plus de communicants échaudés et de citoyens passionnés ont compris à quel point il devient nécessaire de préserver un métier qui compose ainsi avec la réalité environnante.
A la fois observateur et passeur.

En  2007,  à l'initiative de l'UPP Nord, nous avons constitué un groupe de travail mixte, réunissant communicants et photographes, tous sensibles à ce contexte difficile et déterminés à agir  pour trouver les règles simples d’accord et d’échange entre utilisateurs et créateurs de photographie.
Nous sommes repartis du terrain,  et avons observé sans préjugés l’état réel des pratiques « d’achat et de vente de photographies », à l’aide de questionnaires symétriques posés simultanément aux photographes et aux communicants.
La situation résultante était très confuse, chacun ayant en quelque sorte développé son propre mode d’emploi empirique, au gré de son environnement professionnel. Nous avons constaté, de part et d’autre, une forte incompréhension basée sur l’ignorance mutuelle des métiers, mais aussi liée à un manque de formation chronique concernant la propriété intellectuelle et les droits d’auteur afférant. Le croisement des réponses aux questionnaires a permis de mettre  en lumière les principaux points d'achoppement.

Après 3 ans de rencontres et de débats, nous avons élaboré au sein du groupe de travail les bases de la charte de la photographie équitable. Notre démarche a pour objet de répondre concrètement aux problématiques soulevées pour permettre des relations professionnelles simples, directes, soutenir la comparaison des offres, le tout s’inscrivant dans le respect du Code de la Propriété Intellectuelle.
Vincent Gaveriaux et Eric Le Brun, en liaison avec l’UPP Nord (Union des photographes professionnels du Nord) ont rédigé en 2010 avec l’aide de Maître Blandine Poidevin, avocate, les articles de la charte de la photographie équitable qui pose simplement les principes de  contrats équilibrés pour l’utilisation de photographies.

Avec le soutien logistique (prêt de salle de réunion) de:
La Maison de l'Architecture et de la Ville à Lille,
La Maison de la Photographie à Lille,
L'Espace Le Carré, délégation aux Arts Plastiques ville de Lille

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